Les comportements racistes ne sont pas innés
Les enfants sont ouverts à la nouveauté et essaient de comprendre le monde. Dès la naissance, ils sont dotés d’une curiosité naturelle, et leur voyage dans la vie commence sans aucun préjugé. «Les recherches ont montré que même les nourrissons s’intéressent à l’autre», explique Sepp Holtz. «Si un bébé voit toujours les mêmes choses, sa concentration diminue; si on lui ajoute quelque chose de nouveau, il s’intéresse plus à cette nouveauté qu’à ce qu’il connaît déjà», poursuit le pédiatre spécialiste du développement des enfants. En ce qui concerne la tolérance à l’égard de ce qui est inconnu, il s’agit là d’une découverte importante.
Analyser et remettre en question les préjugés
Lorsqu’on se penche sur le sujet du racisme, il faut aussi s’intéresser à celui des préjugés. Un coup d’œil sur l’histoire de l’humanité montre que les préjugés s’avèrent utiles dans certaines situations. Ils nous permettent de faire preuve de prudence et donc de nous protéger d’un éventuel danger. Du point de vue de Sepp Holtz, l’approche humaniste se caractérise par le fait que l’être humain dispose de la capacité d’examiner, d’interroger et idéalement de mettre de côté les préjugés.
Car le racisme est une attitude qui est déclenchée par des modèles négatifs.
Faire face à l’inconnu
Bien que les enfants s’intéressent à la nouveauté, il se peut qu’ils soient d’abord déstabilisés face à quelque chose qui est différent de l'habitue. «Si on considère, en se détachant de toute pensée raciste, ce qui se passe lorsqu’un enfant voit une personne d’une couleur de peau différente pour la première fois, il ne nous surprendra pas qu’il puisse être anxieux ou hésitant au début», remarque Sepp Holtz. Ce qui est décisif, c’est l’expérience qu’il fait ensuite. Si l’enfant constate que des personnes ayant une couleur de peau différente jouent et rient tout pareillement avec lui et que les adultes se comprennent, cela façonne son comportement. Car le racisme est une attitude qui est déclenchée par des modèles négatifs.
Apprendre à se mettre à la place des autres
«Pour qu’un enfant puisse imaginer ce qu’est un préjugé ou ce que signifie le racisme, il doit être capable de se mettre à la place d’autrui.» Le pédiatre souligne que cette capacité n’apparaît pas du jour au lendemain mais qu’au contraire, elle se développe lentement. En effet, ce n’est qu’à partir de trois ans et demi ou quatre ans qu’un enfant est progressivement capable de se mettre à la place de quelqu’un d’autre. «Globalement, on peut dire que l’empathie se manifeste davantage à partir de l’école enfantine. Avant cela, l’enfant ne dispose pas de cette faculté et, vu sous cet angle, il n’y a pas de racisme chez les jeunes enfants», précise Sepp Holtz. Un enseignement essentiel.
Permettre des rencontres diverses
Les jeunes enfants peuvent réagir avec réticence face à des personnes qui ont une couleur de peau et de cheveux différente s’ils n’ont pas encore rencontré de telles personnes dans leur vie. Mais il ne s’agit pas là d’un comportement empreint de racisme. Pour Sepp Holtz, il est important qu’un enfant apprenne dès son plus jeune âge à interagir avec des personnes différentes les unes des autres. Ainsi, le contact avec ce qui ne lui est pas familier deviendra quelque chose qui va de soi. L’enfant peut par exemple retrouver, à la crèche ou dans le milieu familial, d’autres enfants d’origines et de classes sociales différentes. Ou apprendre, par l’expérience, que tous les enfants ne peuvent pas marcher, voir ou entendre. Pour le pédiatre du développement, il est incontestable que les parents jouent un rôle essentiel avec ce type de prévention.
Savoir réviser ses jugements
«Une certaine tendance à juger hâtivement ou à penser de manière raciste sommeille en chacun∙e d’entre nous. Il est important de reconnaître cette partie de nous et en même temps de s’y opposer», explique Sepp Holtz, avant d’ajouter: «Supposons que des parents fassent involontairement une remarque raciste ou désobligeante devant leurs enfants, mais qu’ils aient la capacité de s’avouer à eux-mêmes qu’ils ont dit quelque chose de stupide. Réviser son jugement et déclarer devant l’enfant que ce qui a été dit était raciste est une force.» Lorsque les enfants voient des adultes réfléchir à voix haute à ce genre de sujets, cela leur est très utile.
Les comportements racistes ne sont pas innés
«Quand un jeune enfant met par exemple sa main dans les cheveux d’un autre enfant ayant une couleur de peau différente parce qu’il veut tester la sensation au toucher, c’est tout autant le signe d’une curiosité enfantine que lorsque les enfants découvrent que les filles et les garçons ont des organes sexuels différents», note Sepp Holtz. Chez l’enfant en bas âge, l’intérêt pour l’autre est au premier plan. Il est très important pour le pédiatre de souligner que le racisme n’est pas inné, mais qu’il s’agit au contraire d’un comportement qu’un enfant acquiert via son environnement de référence. Par conséquent, des attitudes encore parfaitement normales chez les jeunes enfants ne seraient pas tolérables chez les enfants plus âgés ou les adultes. Grâce à une éducation adaptée, l’enfant peut apprendre et adopter un comportement respectueux d’autrui au contact d’autres personnes.
Conseils de l’association Diversum pour lutter contre le racisme
Chaque jour, de nombreuses personnes sont confrontées au racisme, lequel est aussi présent dans la cour d’école ou au terrain de jeu. Parce que tout type de racisme est offensant, il est important de parler de ce sujet avec les enfants. Avec divers conseils, les expert∙e∙s de l’association Diversum montrent comment le sujet peut être abordé avec les enfants d’âge préscolaire et scolaire.
Commencer par soi-même
Nous portons toutes et tous des préjugés en nous. Cela signifie que nous disons parfois des choses racistes sans le vouloir. Commencez par réfléchir sur les notions utilisées et par remettre en question vos propres schémas de pensée; cela vous aidera à sensibiliser votre enfant au racisme.
Expliquer ce qu’est le racisme
Expliquez à votre enfant que les gens sont différents et que le racisme signifie que certaines personnes sont traitées de façon injuste en raison de ces différences. Expliquez-lui que c’est mal et que tout le monde doit œuvrer pour mettre fin au racisme.
Attirer l’attention sur la diversité
Veillez à lire des livres ou à regarder des films avec votre enfant dans lesquels les protagonistes ont des couleurs de peau et de cheveux différentes. Il est aussi important d’expliquer aux enfants qu’en Suisse également, les personnes ont des apparences très diverses.
Sur le site Apprendre à éduquer de Caroline Jambon, vous trouverez une liste de «20 livres pour enfants qui stimulent la tolérance, la solidarité et l’empathie».
Aborder les sujets désagréables
Le racisme n’est pas un sujet agréable et il n’est pas toujours facile de trouver les bons mots. L’important, c’est que vous en parliez.
Admettre ses erreurs
Si vous remarquez que vous avez dit ou fait quelque chose de mal devant votre enfant, admettez-le et expliquez-lui que c’est mal. Exemple: si vous avez tiré des conclusions sur certains traits de caractère ou certaines qualités d’un enfant en fonction de son origine.
Écouter et parler des expériences
Les enfants reconnaissent parfois intuitivement quand d’autres personnes sont traitées injustement, même s’ils ne peuvent pas encore nommer le racisme. Prenez ces observations et ces expériences au sérieux et parlez-en avec votre enfant.
Donner la possibilité de poser des questions
Donnez à votre enfant la possibilité de poser des questions. S’il vous pose une question à laquelle vous ne savez pas répondre, recherchez la réponse et apprenez ensemble. Réitérez ces discussions, de préférence sur la base de cas ou d’événements concrets.
Se dresser contre l’injustice
Donnez le bon exemple et signalez le racisme aux autres. Expliquez à votre enfant qu’il doit réagir lorsque sa camarade noire s’entend dire que sa peau est sale. Expliquez-lui que nous devons toutes et tous veiller à ce que tous les enfants puissent grandir dans un monde juste.
Remarques sur les termes utilisés
Jusqu’à ce que ces lignes directrices soient établies dans le domaine public, il faudra agir avec précaution dans nos rapports avec les autres, mais aussi faire preuve de patience, d’ouverture et de tolérance mutuelle. En termes de changements positifs, il est probablement plus efficace de se signaler mutuellement les termes incorrects avec bienveillance plutôt que de juger quelqu’un à la hâte.
Il n’existe pas de règle générale en Suisse mais des recommandations sont données, par exemple sur la manière d’écrire l’adjectif «Noir». Voici un extrait de l’étude «Anti-Schwarze-Rassismus. Juristische Untersuchung zu Phänomen, Herausforderungen und Handlungsbedarf» (Racisme anti-Noirs. Analyse juridique sur le phénomène, ses enjeux et les mesures à prendre), commandée par la Commission fédérale contre le racisme (CFR) en 2017.
«Nous écrivons l’adjectif ‘‘noir’’ avec une majuscule (c’est-à-dire Noir) et l’adjectif ‘‘blanc’’ tout en minuscules et en italique (c’est-à-dire blanc). Cela souligne que le fait ‘‘d’être Noir‘’’ et la ‘‘blanchité’’ ne désignent pas une couleur de peau, mais la position sociale d’une personne. Le terme ‘‘personnes Noires’’ se réfère à une conception émancipatrice utilisée dans le contexte des luttes politiques par les personnes qui elles-mêmes se disent Noires. En revanche, l’adjectif ‘‘blanc’’ est écrit en italique et en minuscules pour créer une distinction par rapport à l’adjectif ‘‘Noir’’.»