Médias et Internet

Quand l’utilisation du téléphone portable devient-elle une dépendance?

Nous ne sortons presque plus sans nos téléphones portables. Et dès que l’on oublie son smartphone, on a l’impression de ne plus faire partie du monde numérique. La peur de manquer quelque chose en ligne peut également conduire à une utilisation intensive du téléphone portable chez les jeunes. Il n’est donc pas surprenant que les parents se demandent si leur enfant est dépendant au smartphone. À la recherche des éléments pouvant indiquer que l’utilisation du téléphone portable devient un problème.
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Une adolescente regarde son téléphone portable.

On constate que le smartphone est devenu indispensable dans la vie quotidienne, non seulement chez les jeunes, mais aussi chez de nombreux adultes. Le téléphone portable regroupe de nombreuses fonctions pratiques et nous connecte avec les autres et avec le monde. Il est facile de se laisser embarquer par toutes les applications, les jeux et les plates-formes vidéo. On fait défiler les pages pendant des heures, on clique et reclique sans cesse ou on ne peut plus décrocher des vidéos amusantes. L’utilisation intensive du téléphone portable devient problématique lorsque d’autres domaines de la vie sont affectés. Toutefois, la question de savoir si et à partir de quand il s’agit d’une dépendance est complexe et doit être examinée avec soin.

En ligne tout le temps et partout

Pratiquement tous les jeunes de Suisse utilisent un smartphone et sont en ligne sur cet appareil tous les jours ou plusieurs fois par semaine (étude JAMES 2022). Ils recherchent des informations, des divertissements ou des distractions lorsqu’ils s’ennuient, organisent leur vie quotidienne et entretiennent des contacts. Parfois, l’appareil est utilisé pour échapper à la réalité. Selon des enquêtes d’Addiction Suisse, environ 10% des jeunes de 15 à 25 ans sont concernés par une utilisation problématique d’Internet (voir la définition de dépendance à Internet dans l’encadré). Par rapport aux groupes plus âgés, ce chiffre est supérieur à la moyenne. Cependant, un usage problématique n’est pas la même chose qu’une dépendance.

Peur de manquer quelque chose

Les jeunes ont souvent peur de manquer quelque chose quand ils ne sont pas en ligne. Ce phénomène est également appelé «fear of missing out», ou FOMO (la peur de manquer quelque chose). L’idée d’être exclu·e déclenche du stress et conduit à une présence en ligne encore plus importante. En même temps, la pression liée aux attentes et le sentiment de devoir être disponible en permanence sont pesants. Les filles le ressentent généralement plus fortement que les garçons.

L’idée d’être exclu·e déclenche du stress et conduit à une présence en ligne encore plus importante.

Programmer des temps hors ligne

Le smartphone étant devenu un élément central de la vie quotidienne, il est souvent difficile de laisser l’appareil de côté ou de l’éteindre pendant un certain temps. Et ce même si on a l’impression d’être trop souvent en ligne. Il est donc d’autant plus important que les parents veillent à instaurer des moments sans écran ou à créer des zones sans écran qui s’appliquent à tous les membres de la famille. Ensemble, on peut alors chercher des alternatives aux activités sur écran.

Organiser consciemment le temps d’écran

Plus le temps d’écran et le comportement en ligne sont organisés consciemment, plus on peut éviter que la consommation médiatique ne devienne incontrôlable. Mais pratiquer d’autres activités et essayer de nouvelles choses peut être contraignant et difficile. Pour ce processus, les enfants et les jeunes ont besoin de modèles et d’un accompagnement bienveillant de la part des adultes. 

Cela leur permet de se ruer moins facilement sur le téléphone portable, et l’utilisation des médias est mieux contrôlée. Quelques conseils à essayer:

  • Accès et obstacles: nous sommes plus susceptibles de saisir ce qui se trouve à portée de main. Plus une chose est éloignée, plus l’obstacle est grand. 
    Exemples: pendant que l’on fait les devoirs, le téléphone portable reste dans une autre pièce. Pour déverrouiller l’appareil, on choisit délibérément un mot de passe long.
  • Pauses et alternatives: il est également utile de faire des pauses sans écran et de vérifier son propre comportement. Toutefois, cela n’est possible que si l’utilisation du téléphone est adaptée en conséquence et que les anciens schémas sont brisés. 
    Exemples: utiliser une montre ou un réveil au lieu du téléphone portable pour regarder l’heure. Ou mettre le smartphone de temps en temps en mode avion afin de ne pas se laisser constamment distraire par les messages reçus.
  • Règles et zones: définir ensemble des règles familiales – quel appareil peut-on utiliser, à quels moments et où. 
    Exemple: fixer des temps et des zones sans téléphone portable qui s’appliquent aux enfants et aux adultes (pour en savoir plus à ce sujet, consultez l’article «Règles et accords pour le traitement des médias numériques»). 

Facteurs de protection au quotidien

Comment la pression et le stress sont-ils gérés? Les activités de la vie quotidienne sont-elles suffisamment variées? Les facteurs personnels et l’environnement jouent un rôle crucial dans la protection contre la dépendance. Avoir des centres d’intérêt et des passe-temps variés, ainsi qu’être capable de gérer le stress et l’ennui et de supporter la frustration sont des mécanismes de protection contre l’utilisation excessive du téléphone portable. Le rôle de modèle des parents a également un effet important et ne doit pas être sous-estimé. 

La dépendance au téléphone portable n’est pas une maladie reconnue

Les termes de «dépendance au téléphone portable» ou «dépendance à Internet» recouvrent des aspects différents. Officiellement, il n’existe pas de définition universelle. Souvent, ces termes décrivent une dépendance aux réseaux sociaux, à la pornographie ou aux jeux vidéo (pour plus d’informations sur la dépendance aux jeux vidéo, consultez notre article «Les jeux vidéo créent-ils une dépendance?») ou encore une dépendance aux jeux d’argent en ligne ou aux achats sur Internet. Il faut souligner que ce ne sont pas le smartphone ou Internet qui sont l’objet de la dépendance; ils permettent simplement de s’adonner à ces différentes pratiques. Ainsi, on ne peut pas avoir une addiction «à» Internet à proprement parler, mais on peut avoir un comportement addictif «sur» Internet. Souvent, un usage problématique est associé à un autre problème. Les personnes ayant un comportement en ligne problématique sont aussi beaucoup plus nombreuses à souffrir de dépression par exemple. Il est généralement difficile de déterminer quelle est la conséquence et quelle est la cause. Il semble que les deux facteurs s’influencent mutuellement.

Caractéristiques et facteurs de risque

La durée quotidienne d’utilisation du smartphone n’est pas le critère le plus important pour déterminer une utilisation problématique du téléphone portable. Il n’y a pas de limite de temps permettant de dire ce qui est encore normal et ce qui ne l’est pas (plus d’informations à ce sujet dans l’article «Utiliser le temps d’écran à bon escient»). Bien entendu, le risque de comportement addictif augmente avec la durée passée en ligne. Mais d’autres aspects que celui-là sont à prendre en compte pour détecter un comportement problématique. Citons, par exemple, la perte de contrôle ou le fait de ne plus penser qu’à cela. Une sensation de malaise, d’agitation ou de nervosité qui se fait sentir lorsque l’appareil ne peut être utilisé est un signe qui doit alerter. Autre signal d’alerte: lorsque l’utilisatrice ou l’utilisateur a besoin de passer de plus en plus de temps devant l’écran pour que la «sensation de bien-être» tant recherchée s’installe.

Potentiel addictif des jeux vidéo et des réseaux sociaux

Sur Internet, il y a des activités qui sont plus risquées et d’autres qui sont moins problématiques. Lire le journal ou regarder un film font partie des activités qui ne posent pas problème. En revanche, les jeux vidéo et les réseaux sociaux tels qu’Instagram ou TikTok sont plus risqués. De nombreux jeux vidéo et applis sont conçus de sorte que les jeunes aient envie de passer le plus de temps possible dessus. Il est donc important que les parents soient conscients que certains programmes ou applications sont délibérément pensés pour augmenter le potentiel de dépendance. Exemples: le jeu en ligne continue de fonctionner alors qu’on ne participe pas activement, ou le flux sur TikTok est constamment alimenté par de nouveaux contenus. 

Le système de récompense a besoin de sensations agréables

La récompense joue un rôle central dans le développement des comportements problématiques en ligne. Les likes, les commentaires positifs, le fait d’avoir de nombreux followers ou d’atteindre un nouveau niveau dans un jeu, tout cela fait appel au système de récompense du cerveau et déclenche une sensation agréable. Si cette sensation est activée de manière répétée par de telles activités, un «effet d’apprentissage» se produit. Le cerveau s’habitue à cette situation, mais il lui en faut de plus en plus pour obtenir le même effet. Alors qu’hier, dix likes étaient suffisants pour déclencher une sensation agréable, aujourd’hui il en faut peut-être plus. 

Conséquences sur le comportement

Une utilisation intensive des médias peut avoir un impact sur le mental, mais peut nuire aussi à certains aspects sociaux ou physiques. Le repli sur soi, les troubles du sommeil, la fatigue, les troubles alimentaires ou les mauvaises notes peuvent être le signe d’un comportement problématique en ligne, mais peuvent aussi avoir d’autres causes. C’est pourquoi il est important de faire attention et de demander de l’aide si nécessaire.

Conseils pour les parents

  • Examinez attentivement si la consommation médiatique de votre enfant restreint d’autres domaines de sa vie.
  • Veillez à ce que son environnement et son quotidien soient variés. Des alternatives intéressantes aux écrans aident votre enfant à se sentir moins dépendant de son smartphone.
  • Soyez conscient·e de votre fonction de modèle également dans l’utilisation des médias numériques. Faites attention à votre propre consommation médiatique et remettez en question votre comportement de temps à autre.
  • Profitez de l’intérêt de votre enfant pour le monde numérique pour lui parler de l’utilisation des médias.
  • Développez délibérément des liens hors écran entre les membres de votre famille. Maintenez la cohésion familiale en laissant le téléphone portable de côté.
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